Depuis 5 ans le conflit syrien est au cœur de l’actualité. Pour en parler, la plupart des médias se contentent de reprendre les dépêches de l’Agence France presse, qui s’appuient eux-mêmes sur les communiqués de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une officine très controversée.
Alors pour tenter de comprendre la réalité, trois membres de la rédaction de Breizh-info viennent de séjourner en Syrie, où ils se sont rendus avec le concours de l’association de solidarité France-Syrie ( contact : syrianafrance@gmail.com) . Ce voyage d’une semaine s’est entièrement déroulé dans la partie du pays sous contrôle du gouvernement légal. De Damas à Lattaquié, notre équipe est allée à la rencontre de la population : combattants, victimes de guerre, déplacés, chrétiens, musulmans, religieux, mères de famille, enfants, universitaires, industriels, artisans, commerçants, agriculteurs… Sans préjugés ni tabous, récit d’un voyage dans un pays en guerre.
La rédaction
Tard le soir, nous retrouvons Damas que nous avions rapidement aperçue il y a une semaine lors de notre arrivée en Syrie. Depuis, nous avons sillonné le pays. Nous avons pu constater la diversité de la population qui partage cependant un lien très fort, son attachement à la patrie. A Saidnaya et Maaloula, nous avons rencontrés des représentants des églises chrétiennes. A Homs, ville martyre, les ravages de la guerre se sont imposés. A Hama, ville majoritairement sunnite, l’histoire sourd de l’Oronte. A Ain el Kroum, au-dessus d’Apamée, nous avons partagé le quotidien des habitants. A Lattaquié, fief des Alaouites et à Tartous, la base russe, règne encore la douceur méditerranéenne.
Damas, une des villes les plus anciennes du monde, est mythique dans l’imaginaire européen et oriental. Elle résume plus de 3000 ans d’histoire depuis l’installation des Amorites. Capitale d’un puissant royaume araméen, elle a subi la domination assyrienne, babylonienne, perse puis romaine. Une importante population juive y vivait alors. Celle-ci a abrité les premières communautés chrétiennes. Damas est devenue musulmane en 636 et capitale de l’empire omeyyade en 661. Elle a connu l’invasion des croisés, des mongols, des mamelouks et des Ottomans. Ces derniers ont été remplacés par les français après la guerre de 14/18 avant de redevenir capitale de la Syrie indépendante en 1946.
La guerre y est présente. Les hommes du Front Al Nosra occupent une partie de l’agglomération. On entend parfois le bruit sourd des explosions. Pourtant la vie continue. La circulation est intense. les rues débordent de piétons d’autant que la température est printanière. Le souk est animé. Dans les cafés pleins, hommes et femmes de toute génération boivent jus de fruit, thé, café ou fument le narguilé.
Le mardi précédent, où nous nous étions retrouvés en fin d’après-midi à l’aéroport de Roissy CDG, nous semble loin. Nous avions emporté du matériel médical et des médicaments qui manquent cruellement en Syrie, embargo oblige. Nous les remettrons à diverses associations sur place. A l’hôtesse d’Air Serbia chargée de l’enregistrement qui nous demandait si nous allons séjourner à Beyrouth, nous répondons que « nous allons un peu plus loin« . « Ah ! Vous allez à… ». Stupéfaite, son visage s’illumine. Les larmes lui montent aux yeux. Solidarité…
Après une escale à Belgrade, nous arrivons à Beyrouth à 3h15. Nous sommes un groupe de 17 personnes y compris les membres de l’association. Les formalités douanières accomplies, nous mettons les bagages dans deux camionnettes taxi qui vont nous conduire à Damas. Nous traversons Beyrouth où chaque quartier est protégé par des hommes en armes. La ville semble assez bien reconstruite. Nous la quittons à 5h30. Nous traversons la plaine de la Bekaa. Comme les bureaux de la frontière n’ouvrent qu’à 8 heures, nous faisons une halte pour un petit-déjeuner dans un bar – restaurant – épicerie – bazar, qui nous procure un avant-goût de couleur locale.
Le temps du trajet d’environ 110 kilomètres et du passage de la frontière nous en donnera un autre. Nous allons devoir oublier notre notion occidentale du temps et faire preuve de patience. En effet, nous n’arriverons qu’à 14h30 à notre hôtel, situé dans le quartier chrétien du vieux Damas. Les 5 heures passées en douane nous permettent un premier constat sur la grande diversité de style vestimentaire des très nombreux Syriens qui y passent. Pour les femmes, en particulier, cela peut aller d’une tenue de type européen, sexy voire provocante, à une robe noire et un voile qui dissimulent entièrement la personne.
A l’entrée en Syrie, nous découvrons de grands portraits du président Bachar el-Assad, soit seul, soit en compagnie de Vladimir Poutine ou avec Sayed Nasrallah, le chef du Hezbollah. Ils nous suivront pendant tout le voyage. De même, devant les habitations, on peut voir les portraits des victimes, dénommés martyrs. Plongée dans un pays en guerre depuis cinq longues année, guerre que subit en première ligne la population. Nous voyons dans les villages traversés des maisons détruites, des ruines, des restes de véhicules calcinés.
Par contre, le gouvernement et les habitants assurent la sécurité grâce à de nombreux points de contrôle. Il en existe à chaque carrefour routier, à chaque entrée et sortie de communes, entre les quartiers dans les villes. Précédés de chicanes et ralentisseurs, ils sont tenus par des militaires ou par des milices locales. Les véhicules doivent s’arrêter et les passagers justifier de leur identité. Ainsi de l’entrée de Damas à notre hôtel, nous en passerons une quinzaine. Précisons le tout de suite, jamais nous ne ressentirons le moindre sentiment d’insécurité tout au long de ce voyage. « Vous êtes fous ! » nous avait-on dit parfois, à l’annonce de notre voyage. Mais les rues de Paris ou de Bruxelles s’avèrent aussi risquées…
Le lendemain, nous prenons l’autoroute du nord pour gagner Saidnaya, un fief chrétien, dans la montagne de l’anti-Liban. Cette région est très aride. Comme pendant tout notre séjour, nous passerons de multiples points de contrôle. Chaque entrée de ville ou de village, chaque carrefour important est contrôlé par des hommes en armes – avec interdiction formelle de photographier. Nous verrons également les preuves d’affrontements violents : véhicules incendiés, immeubles et maisons effondrés ou brûlés. Les affiches de ceux qui sont tombés au combat – appelés les martyrs – sont nombreuses. Régulièrement, nous ferons des crochets pour éviter les zones encore occupées par les islamistes. La Syrie est une peau de léopard avec une alternance de secteurs contrôlés par les forces légales et d’autres occupés par les groupes djihadistes.
(à suivre)
Crédit photos : Breizh-info.com ( mention obligatoire)
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Syrie. Voyage au coeur du pays de Bachar (2) : de Seydnaya à Maaloula, aux sources des chrétiens d’Orient
Depuis 5 ans le conflit syrien est au cœur de l’actualité. Pour relater l’actualité syrienne, la plupart des médias se contentent de reprendre les dépêches de l’Agence France presse, qui s’appuient sur les communiqués de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une officine très controversée.
Alors pour tenter de comprendre la réalité, trois membres de la rédaction de Breizh-info viennent de séjourner en Syrie, où ils se sont rendus avec le concours de l’association de solidarité France-Syrie (contact : syrianafrance@gmail.com). Ce voyage s’est entièrement déroulé dans la partie du pays sous contrôle du gouvernement légal du pays. De Damas à Lattaquié, notre équipe est allée à la rencontre de la population : combattants, victimes de guerre, déplacés, chrétiens, musulmans, religieux, mères de famille, enfants, universitaires, industriels, artisans, commerçants, agriculteurs… Sans préjugés ni tabous, récit d’un voyage dans un pays en guerre.
La rédaction
De Seydnaya à Maaloula, aux sources des chrétiens d’Orient
A 30 kilomètres au nord de Damas, dans le massif de l’Anti-Liban, le village de Seydnaya est situé à 1500 mètres d’altitude dans la montagne syrienne. Il est presque exclusivement peuplé de chrétiens de toutes confessions. Durant les chauds mois d’été c’est le refuge des chrétiens de Damas. Nombre d’entre eux se sont fait construire de belles villas dont la majorité est fermée, d’autres semblant abandonnées.
Nous avons visité le sanctuaire grec orthodoxe dominant le village. Il abrite aujourd’hui 36 moniales. Le monastère des Anges recèle une célèbre icône représentant la vierge Marie. Sa réalisation est attribuée à saint Luc. L’icône ne sort jamais de sa niche toujours fermée où elle est soigneusement gardée. Un guide prolixe et cultivé nous accompagne avec un militaire durant la visite.
Le monastère a souffert à deux reprises de dommages, en novembre 2013 – à cause d’un incendie du mur arrière dû à une attaque de roquettes – et en janvier 2014 – à cause de tirs du front al-Nosra.
Après Seydnaya, direction Maaloula, un gros village où la majorité des habitants parle encore l’araméen, la langue du Christ.
Après avoir visité l’église saint Georges dans le bas du village, nous nous rendons au monastère Mar Takla, grec-orthodoxe, construit autour de la grotte et du tombeau de sainte Thècle, princesse séleucide et disciple de Saint Paul. Puis en haut du rocher qui domine le village, nous visitons un antique monastère (construit au IVe siècle) dédié à Mar Sarkis et Mar Bacchus (saints Serge et Bacchus).
Un « véritable massacre archéologique »
Le village de Maaloula a particulièrement souffert en 2013 – 2014 . Cela avait débuté par une offensive des djihadistes principalement du Front Al-Nosra épaulés par des combattants de l’armée syrienne libre au cours de laquelle Maaloula va tomber au mains des rebelles. Une contre-attaque de l’armée gouvernementale permettra leur départ avant que ceux-ci ne reprennent le contrôle du village. Le renfort de l’armée syrienne permettra le départ final des forces rebelles qui ont perpétré des massacres de nombreux civils et saccagé les églises. Les djihadistes y ont commis un « véritable massacre archéologique », incendiant et pillant l’église conventuelle, un des plus vieux édifices chrétiens du monde, datant du début du IVe siècle, détruisant des icônes exceptionnelles.
Le Krak des Chevaliers, forteresse emblématique
Le plus célèbre des châteaux forts croisés du Moyen-Age est inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Selon Thomas Edward Lawrence ( Lawrence d’Arabie), ce fut d’abord une forteresse construite en 1031 par les Abbassides, dynastie de califes arabes. Les croisés s’en emparèrent en 1110. Les hospitaliers (Chevaliers de l’Hôpital) le gérèrent de 1142 à 1271, date à laquelle le sultan mamelouk Baïbars s’en empara. La forteresse fit l’objet de nombreux remaniements et travaux d’agrandissement . Elle fut équipée de ce que le génie militaire de l’époque offrait de mieux en matière de dispositif de défense : double enceinte de murs, rampe pour les chevaux, vingt citernes assuraient l’approvisionnement en eau de la garnison de 2000 hommes.
Construit à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer, la citadelle domine la plaine de la Bekaa, à un carrefour stratégique à mi chemin entre Homs et la côte.
On ne peut atteindre la forteresse en véhicule que par un chemin sinueux et escarpé Notre visite commença tard dans l’après-midi, à la tombée de la nuit. Au loin, au sommet de la colline, le krach nous apparait fantomatique La forteresse n’était gardée que par deux soldats syriens en armes… Nous y pénétrons par une large rampe d’accès couverte de pente légère pour faciliter l’accès des chevaux. La montée, même en nous éclairant de torches, nous semble lugubre. Heureusement, après avoir accédé aux terrasses, nous apercevons le magnifique paysage depuis le chemin de ronde supérieur.
En 2012 les djihadistes s’emparèrent du Krak des Chevaliers qu’ils vont occuper près de deux ans en commettant de nombreuses dégradations (sculptures descellées pour être revendues…, destruction de l’accueil, de la cafétéria…). Ce n’est que le 20 mars 2014 que l’armée gouvernementale reprendra le Krak, après de violents combats qui entraînèrent la destruction quasi-totale du village se trouvant au pied de la forteresse.
(à suivre)
http://www.breizh-info.com/2016/04/15/41501/syrie-bachar-maaloula-seydaya-krak-des-chevaliers
Azouzi
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